L'histoire de Keyne pourrait être celle de n'importe qui, elle ne se démarque pas de celle des autres, elle n'est pas exceptionnelle, et pourtant elle a une importance capitale puisqu'elle fait du jeune homme ce qu'il est aujourd'hui, et ce qu'il sera demain. Tout a commencé un 3 Décembre en Australie, ce jour là le soleil tapait fort, les surfeurs profitaient des vagues et les gens se préparaient pour Noël. C'est donc une après-midi d'été qu'il vit le jour, car n'oublions pas que dans l'hémisphère sud les saisons sont inversées. Mais qu'importe, ce jour-là une jeune femme donna tout ce qu'elle avait pour mettre au monde ses deux trésors, et après quelques heures de travail elle tenait enfin ses fils dans ses bras; Keyne et Démian poussaient leur premiers cris...

L'Australie les avait vu naître, et c'est dans ce pays qu'ils firent leur premier pas. Keyne et Démian étaient inséparables, ils faisaient tout ensemble, et même leur apprentissage était synchronisé, comme si l'un ne pouvait avancer sans l'autre. Ils grandissaient, baignant dans l'amour que leur offrait leurs parents. Il y aurait peu de choses à dire sur leurs premières années de vies, tant celles-ci étaient banales, s'il n'avaient pas déménagé, alors qu'ils n'avaient que 3ans. Leur père avait été muté au Japon, et c'est toute la famille qui le suivit pour s'installer au pays du soleil levant. Keyne était déboussolé, tant par le changement de paysage que par la langue du pays. Il commençait tout juste à parler anglais qu'il devait déjà apprendre le japonais. En plus, ses amis n'étaient plus là, et il ne connaissait personne, ne pouvait parler à personne. Si Démian n'avait pas été là, il aurait passé ses journées à pleurer. Mais au moins, il n'était pas seul, alors il retenait ses larmes, et essayait d'aller de l'avant, de surmonter ces obstacles...

Au jardin d'enfant, il n'a pas trop eu l'occasion de se faire beaucoup d'amis les premières années à cause de la barrière de la langue, mais lors de sa troisième et dernière année, il maîtrisait bien mieux le japonais, et put s'ouvrir aux autres enfant. Pourtant lui et Démian ne se quittaient toujours pas, ils avaient sans cesse besoin d'être ensembles, collés l'un à l'autre. Leur relation était fusionnelle, ils étaient dépendants l'un de l'autre, ce qui inquiétait leur parent. Mais lorsqu'ils tentaient de les séparer, ils étaient inconsolables, alors petits jamais ils n'ont réussi à se quitter. Malgré tout, ils se sont fait des amis communs, quand l'un était invité, l'autre l'était aussi, et dans leur petite ville les autres enfants comprirent bien vite qu'ils étaient inséparables. Et ils étaient connus pour ça, ça, et le fait qu'ils venaient d'Australie, l'exotisme en primaire ça commence à plaire.

Ses années de primaires furent des plus banales, il était un élève moyen, il n'avait pas des notes exceptionnelles mais il travaillait dur pour s'en sortir. Il avait des amis, principalement des garçons, à son âge on ne s'intéresse pas tant que ça aux filles. Arrivé au collège, c'est une autre histoire, les hormones commencent à travailler. Ou pas. Pas pour Keyne en tout cas, trop peu sûr de lui pour penser plaire aux filles. Pourtant il leur plait, tant physiquement que mentalement, avec son côté doux et attentionné. S'il avait un peu de confiance en lui, il pourrait être un tombeur, mais lui se contente de vivre une vie de collégien lambda, et s'était même inscrit au club de foot. Du moins, jusqu'à ses 15ans, et sa dernière année de collège. Ses admiratrices jusque là discrètes commencèrent à faire leurs déclarations, et si au début Keyne refusait poliment, quand la manageur du club de foot avec qui il s'entendait se déclara à son tour, il accepta. Car il éprouvait de la sympathie pour la jeune fille, et ne connaissant rien à l'amour il a été pris de curiosité.

Si cet amour a commencé par simple curiosité, petit à petit Keyne a commencé à ressentir quelque chose de plus pour la jeune fille, et surtout, à comprendre la différence entre affection et amour. Il se plaisait dans cette relation, mais on ne peut pas dire qu'il était le petit ami idéal. Il ne prenait aucune initiative, et c'était à sa dulcinée de décider des sorties, des activités de couples. Keyne ne faisait rien spontanément, à part les cadeaux dans les occasions spéciales. Il l'aimait sans aucun doute, mais ne savait pas le montrer, ne pensait pas à le montrer. Et même si leur relation fut complète, elle finit au bout d'environ deux ans, alors qu'il était en deuxième année de lycée. Il faut dire que son incompréhension était totale, et même si elle lui avait précisé qu'il n'était pas assez démonstratif, il ne voyait pas comment faire autrement, il était fait ainsi. Il a beau se préoccuper des autres, être attentionné à leur égard, il ne savait pas faire passer ces sentiments...

Grâce au soutien de son frère, il oublia bien vite cette déception amoureuse, et repris sa vie de lycéen. C'est cette année là qu'il a commencé à se teindre les cheveux en noir, dans un désir d'affirmer son individualité, pour que les gens ne les voient plus, lui et Démian, comme une même entité. Car ils étaient toujours très proches. Il finit donc sa deuxième année du mieux qu'il put, et il faut dire que ce fut assez délicat, car il passa de justesse à l'année supérieure. Alors autant dire que pour sa troisième et dernière année de lycée, il voulait s'accrocher, travailler pour réussir ses examens et aller à l'université. Son frère, bien plus brillant que lui, se proposa de l'aider, malgré le fait qu'il soit délégué, et n'ait pas beaucoup de temps. Du coup il passait beaucoup de temps après les cours dans la bibliothèque, à travailler les sujets qu'il ne maîtrisait pas, c'est à dire tous sauf l'anglais. Lors de ses sessions d'études, il fit une drôle de rencontre. Un blond de première année qui s'est incrusté tout sourire lors de ses révisions. Petit à petit, il le vit de plus en plus, et appris à le connaître. Il s'appelait James Stevens, et était de bonne compagnie. Même s'il ne l'a jamais vraiment montré, Keyne appréciait le garçon, et sa bonne humeur le motivait dans ses révisions. Mais malgré tous ses efforts, ce n'est pas pour autant que ses notes décollaient, et il devait se contenter de la moyenne dans la plupart des matières.

Au fur et à mesure que la fin de l'année approchait, les concours d'inscriptions en fac approchaient aussi, et il dût se pencher sur la question. Pourtant, il n'avait aucune idée de ce qu'il voulait faire, alors il écumait les bottins d'université. Son frère lui était déjà décidé. Il voulait aller à Tokyo pour faire de la psychologie, et même si leur relation n'était plus aussi fusionnelle, Keyne décida de limiter ses recherches à Tokyo, afin de rester avec lui. Il se décida pour une école spécialisée dans l'accompagnement sportif d'enfant handicapés, d'une part parce que ça l'intéressait, d'autre part parce qu'il n'y avait pas d'examen d'entrée, tant que l'école était payée. Et une fois le lycée finit, lui et son frère déménagèrent à Tokyo, il y a sept ans, dans un appartement qu'ils partageaient...

Keyne commença ses cours avec une motivation débordante, et la certitude que, cette fois, il réussirait à avoir de bonnes notes. Il était assidu en cours, empruntait des livres à la bibliothèque pour travailler encore plus chez lui. Mais il faut croire qu'il n'a pas une bonne mémoire, car devant ses copies, il n'arrivait pas à ressortir tout ce qu'il avait appris. A moins que ce soit le stress qui lui faisait perdre tout ses moyens... Malgré tout, il arrivait à s'en sortir, et ne se laissa pas démoralisé. Après tout, il trouvait les cours intéressants, et il s'entendait très bien avec ses camarades de classe, que demander de plus ? De la romance ? Bah, ne vous en faites pas, il y a eu le droit. Un camarade avec qui il s'entendait bien, connu pour n'aimer que les garçons, commença à lui faire du charme. Keyne n'a pas compris tout de suite, il a fallu qu'il lui dise de vive voix qu'il lui plaisait pour en prendre conscience. Il a hésité avant de lui répondre, repensant à sa déception amoureuse. Mais peut-être qu'avec un garçon, ce serait plus facile, qu'il se formaliserait moins de son manque de spontanéité, de démonstration ? Et sa première expérience lui avait appris que l'amour pouvait naître après la création d'un couple. Alors il a fini par accepter, et comme il s'en doutait, il en tomba rapidement amoureux.

De sa précédente histoire, il avait retenu qu'il devait faire des efforts pour transmettre ses sentiments, être plus évident dans ses démonstrations. Ce n'était pas facile, avec son manque de spontanéité, mais il faisait des efforts, et ça se sentait. Pourtant, sa relation ne dura pas si longtemps, et n'eut même pas un an. Malgré tout ce qu'ils avaient partagé, son compagnon n'était pas satisfait de leur relation, il était déçu de voir comment était Keyne en couple. Avec son physique, qui lui plaisait énormément, il était choqué de voir qu'il manquait autant d'assurance, et il n'en pouvait plus d'essayer de faire avec. Keyne n'était pas son genre d'homme. La rupture le surpris un peu moins, car il avait senti que quelque chose n'allait pas, mais il se demandait tout de même ce qu'il faisait de travers, et si un jour il réussirait à avoir une histoire qui dure... Mais cette fois, il réussit à surmonter le choc de la rupture tout seul, se replongeant dans les études. Mais c'était sans motivation, car les cours ne lui plaisaient plus, et il ne se voyait plus faire ce métier. Il en discuta avec Démian, avant de décider d'arrêter les cours, sans pour autant rester inactif. Il cumula plusieurs petit boulot, afin de payer pour ce dont il avait besoin, et pour occuper ses journées...

Il continua à cumuler les petits boulots pour gagner sa vie jusqu'à il y a trois ans. Un après-midi, alors qu'il rentrait du travail, il surpris un voleur à l'étalage. Etant sportif, il n'hésita pas un instant, et immobilisa le voleur sans trop de problèmes, le gardant captif jusqu'à l'arrivée de la police. La scène c'était déroulée sous les yeux d'Hikaru Ishiro, qui avait été nommé directeur du Sanifect, créé depuis peu. Ses performances l'avaient impressionnées, aussi décida-t-il de lui proposer un poste d'agent de terrain. Le travail, ainsi que la paie et les avantages, plaisait au jeune homme, et il n'hésita pas longtemps avant d'accepter l'offre. Démian finissait ses études, et il allait bientôt déménager, aussi devait-il trouver un emploi qui lui permette de partir vivre de son côté.

Il déménagea peu de temps après, se séparant pour la première fois de son frère. La coupure fut brutale, mais il s'y habitua bien vite, et ils continuent à se voir, s'entendant toujours aussi bien. Il s'habitua aussi rapidement au travail d'agent de terrain, gagnant une assurance lors du travail, qu'il n'a pas dans sa vie privée. Il a donc un quotidien des plus banal, sans avis arrêté sur la barrière ou le gouverneur, se contentant de sa petite vie tranquille.